De par le monde, mes yeux s'extasy!

Articles tagués “photographes

La traque de la première photographie

20120924-203559.jpg

Helmut Gernsheim & Kodak Research Laboratory, Harrow, England. Gelatin silver print with applied watercolor reproduction of Joseph Nicéphore Niépce’s View from the Window at Le Gras. March 20-21, 1952. Gelatin silver print and watercolor. 20.3 x 25.4 cm.

Extrait du blog lunettesrouges.blog.lemonde.fr

Le jour de la Saint-Valentin 1952, le collectionneur et historien de la photographie Helmut Gernsheim, dans une propriété du Surrey, après un déjeuner bavard avec deux charmantes vieilles dames pendant lequel il piaffe d’impatience, prend dans ses mains ce qui semble être un miroir dans un cadre Empire doré : il n’y voit rien, comme le lui ont dit ses interlocutrices; il s’approche de la fenêtre, le penche (comme on le fait pour les daguerréotypes), n’y voit toujours rien, l’incline davantage et l’image apparaît alors, certes peu distincte, mais néanmoins reconnaissable. Sa traque est terminée, il est devant la première photographie, le « point de vue depuis une fenêtre à Le Gras », la propriété de Nicéphore Niépce à Saint-Loup de Varennes, prise en 1826 ou 1827. C’est une héliographie, une plaque d’étain couverte de bitume de Judée qui durcit à la lumière : la date de découverte de la photographie vient de remonter 13 ans en arrière.


Ils m’ont tapé dans l’oeil n°8

Voici un petit retour sur image sur l’oeuvre de Michael Ackerman déjà présentée il y a quelques mois. Cette vidéo reprend le travail publié dans son livre « Fiction ».

 


Ils m’ont tapé dans l’oeil ! (n°4)

 Edward Burtynsky  ou l’art des paysages industriels

Voici un documentaire absolument magnifique sur le travail de ce photographe et plus largement sur les paysages industriels de ce monde. Il s’agit sans conteste de l’un des plus beaux documentaires jamais fait sur le sujet. 

Pour les intéressés qui me connaissent, j’ai ce documentaire en stock que je garde précieusement !

Edward Burtynsky est un photographe canadien, reconnu pour être l’un des meilleurs photographes de sa génération. Spécialisé dans la photographie de paysages industrielles, il a arpenté les quatre coins de la planète à la recherche des espaces en mutation, des paysages ravagés par l’ère industrielle et il a été le témoin particulier des grands changements de ce monde.

Il est allé en Chine pour photographier le barrage en construction des « Trois gorges »,  sans conteste le plus pharaonique des projets que la terre est portée à l’aube du 21ème siècle. En dehors de l’aspect monumental de ce barrage, il a aussi rendu compte implicitement du déplacement de quelques millions de chinois situés dans le zone inondable du barrage par la destruction de villes immenses.

En chine, il s’est aussi intéressé aux usines qui s’étendent sur des kilomètres de long, avec leurs bataillons d’ouvriers, véritable armée de travailleurs en bon ordre, de petites mains scrupuleuses, d’hommes et de femmes affairés, noyés dans ce grand bain industriel  et qui espèrent ainsi entrer dans le temple de la consommation par le faible gain de leur force de travail. L’une de ses photos est un clin d’oeil à cette « armée enterrée de soldats en terre cuite » près de Xian, une armée gardienne de l’empereur et donc de l’empire chinois.  

L’individu n’existe pas ou très peu. Les photos représentent souvent des employés parmi d’autres employés, anonymes accomplissant toujours la même tâche. Et oui, la division des tâches a encore des jours glorieux devant elle, un(e) ouvrier(e) une tâche, de quoi rendre dingue un individu par des cadences toujours infernales. C’est une déshumanisation à laquelle nous assistons à travers ces photographies, une déshumanisation dans un monde trop plein d’hommes…

Au début du film documentaire « Manufactured landscapes », la réalisatrice du documentaire Jennifer Baichwal a sublimement montrer le gigantisme de ces usines chinoises avec un long plan séquence d’au moins dix minutes, on s’impatiente un peu, ce plan interminable sous forme de travelling (à la vitesse d’un homme à pied) opère sur nous lentement pour nous déstabiliser complètement, il devient presque irréaliste tant c’est gigantesque. Il montre les postes de travail des ouvriers, tous en lignes, puis peu à peu la caméra s’arrête dans un plan plus serré pour s’intéresser à un poste de travail: enfin l’humain nous apparaît. Grandiose!!! Un grand moment de cinéma… 

Edward Burtynsky a aussi photographié ces géants des mers en fin de vie sur les plages du Bangladesh, que les ouvriers dissèquent, dépècent tranches par tranches, tronçons par tronçons. Ces grandes baleines de métal disparaissent alors en quelques mois, sucées jusqu’à la moelle. Le métal alimentera alors les forges des grandes fonderies multinationales, encore un travail monumental.

Burtynsky s’est aussi intéressé à l’industrie pétrolière dans un travail nommé « End of oil« , il a photographié les infrastructures pétrolières laissées à l’abandon un fois les gisements épuisés. Faut-il y voir un documentaire d’anticipation, oui et non, non car l’industrie pétrolière a encore de beaux jours devant elle, oui car cette ressource commence à se tarir. Nous avons le sentiment aux vues de ces photos, qu’il s’agit d’une projection de notre propre avenir : inquiétant, car l’impact écologique s’annonce désastreux. 

Enfin Burtynsky a photographié le matériel militaire obsolète parqué sur des territoires immenses aux Etats-Unis et qui sont toujours dans l’attente d’être recyclé ou sont en phase de l’être, y compris du matériel qui a plus de 40 ans…

La démarche de l’auteur est bien sûr celle du documentaire,  elle est pétrie par le soucis d’exactitude et d’objectivité dans le travail mené. Cependant Burtynsky reste avant tout un graphiste et ses photographies flirtent indéniablement l’abstrait, la composition est savante, presque « structuraliste », certaines photographies forment alors  des compositions abstraites avec des aplats de couleurs saturés… il est à la frontière entre le réalisme et l’abstrait, une belle prouesse, rare en photographie, bravo !   

A.P

Ce diaporama nécessite JavaScript.